Souvenir, souvenir...
SUZY SOLIDOR, UN ETRANGE DESTIN
J’ai rencontré personnellement Suzy Solidor en 1981, deux ans avant sa mort. On m’avait demandé de la retrouver et de l’interviewer pour les besoins d’une émission de variétés. Je ne la connaissais pas. J'avais juste entendu un de ses refrains fameux des années 30 : " Le ciel est bleu, la mer est verte, laisse un peu la fenêtre ouverte … ".
A vrai dire la rencontre fut assez cocasse ! Avec une totale mauvaise foi elle prétendit en effet qu’elle m’avait donné son accord pour un entretien radiophonique, alors que je venais bien sûr pour la filmer. Et donc dans un premier temps elle se cacha, littéralement. Il fallut deux heures de tractations, menées avec la complicité de charmantes vieilles dames qui l’entouraient, pour qu’elle accepte enfin de me rencontrer un gros quart d’heure, pas davantage ! Mais au dernier moment, elle saisit le catalogue de la donation de ses tableaux à la ville de Cagnes – catalogue qu’elle avait comme par hasard à portée de main - et se dissimula le visage derrière, pendant tout l’entretien !
Je fis donc de la radio ! Mais en fin d'entretien, pensant que la caméra ne tournait plus, elle cessa quelques secondes de se cacher derrière ce maudit catalogue ... ce sont ces quelques images précieuses que j'ai mis en pré-générique de mon documentaire vingt-cinq ans plus tard, alors qu'elle y évoque - devenue vedette de la chanson - les retrouvailles avec ses compagnons d'enfance de St Malo : "C'est-t'y pas toi vingt dieux qui chante dans la foutue machine ? Ah c'étaient mes compagnons, ils étaient adorables".
Je découvris donc la femme de caractère qu’elle fut toute sa vie et la grande professionnelle soucieuse de son image, jusqu’au bout. En dépit de ma déconvenue, je fus aussi séduit par le "personnage", car à cette occasion je découvris son fabuleux passé. Mais à l'époque il m'apparut impossible de réunir pour un documentaire toute l’iconographie et l’archive nécessaires à son évocation. Quand bien des années plus tard des pistes se sont présentées, je me suis lancé. Mes recherches – étalées sur presque deux ans – ont parfois tourné à la véritable enquête policière et j’ai connu des moments de découragement, au bord de l'abandon. Mais quelques personnes soucieuses de rendre justice à l’artiste Suzy Solidor m’ont finalement ouvert des tiroirs chargés de souvenirs, parfois très intimes.